Dilemne

Je viens de terminer "Sur la route de Madison". De même que le film avec Clint Eastwood et Meryl Streep, le livre est tout en sensualité et cependant si pudique...

Voici l'histoire en quelques mots : Francesca Johnson a 45 ans. Elle vit avec son mari, fermier dans l'Iowa, et leurs deux enfants. Sa vie est simple et sans grandes distractions. Elle se retrouve seule pour quelques jours, pendant que sa famille est partie à une foire agricole. Nous sommes dans les années soixante et sa route va croiser celle d'un reporter-photographe de huit ans son aîné, Robert Kincaid : le dernier des cow-boys, selon sa propre définition. Pas d'attache : sa femme, chanteuse de country, l'a quitté à cause de ses nombreuses absences, prêt à partir à l'autre bout du monde pour faire une bonne photo.
Francesca et Robert vont être irresistiblement attirés l'un vers l'autre et vivre ensemble un bonheur parfait pendant quatre jours. Mais la famille de Francesca doit revenir. Robert, fou amoureux, est prêt à s'expliquer avec son mari et à emmener Francesca vivre avec lui. Cependant, bien qu'elle partage le même sentiment pour lui, Francesca va choisir la voie de la raison : elle restera avec son mari, non pas par amour pour lui, car ils n'ont plus qu'une vie d'habitudes ensemble, mais pour les conventions. Elle respecte son mari, jamais il ne lui a fait de mal. Elle ne veut pour lui ni la honte, ni les racontars des voisins d'une si petite ville de province .
On sent bien qu'il ne faudrait que peu de choses pour que cette fragile décision soit rompue et que la passion sorte vainqueur. Mais Robert respecte la décision de Francesca, le coeur lourd. Tout le restant de leur vie ils penseront régulièrement l'un à l'autre et jusqu'à leur mort le souvenir de ces quelques jours ne les quittera jamais...

Cette histoire me touche beaucoup. Je l'ai vécu, je la vis encore. Les circonstances ne sont pas les mêmes, les motifs non plus, mais le dilemne reste le même : demeurer avec son conjoint, à qui on a promis fidélité jusqu'à la mort, ou tout quitter pour une passion soudaine dont on ne sait rien. Ni combien de temps elle durera, ni comment elle finira... Sans compter tous les déchirements que provoque une rupture, le sentiment de culpabilité de l'abandon, l'avenir de l'autre...
Pour toutes ces raisons le choix de Francesca est respectable. Certainement plus difficile pour elle que de quitter son mari, ses enfants, sa maison pour suivre un quasi inconnu.
Certains parleront de sens moral. Mais qu'est-ce que la moralité ? Vivre d'une façon lisse, sans faire de vague ni de mal à personne ? En dissimulant ses secrets, sa double vie, son coeur ? Ou vivre ses envies au grand jour, suivre ses désirs, quitter ce qui ne nous satisfait plus au fur et à mesure, dans l'espoir d'une vie meilleure ? En semant la souffrance et les regrets derrière soi ?

Je n'ai pas la réponse, et je ne crois pas que j'aurais agit différemment de Francesca. Nous ne sommes pas tous prêts à toujours recommencer. A laisser derrière nous un pan entier de notre vie, à nous débarrasser de nos souvenirs, à passer pour le méchant ou la garce de service.
Finalement tout serait peut-être plus simple si chacun possédait un minimum de tolérance et ne jugeait pas systématiquement les autres au nom d'une certaine morale bourgeoise...